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Les divagations d'une orchidoclaste

Bienvenue dans le monde de divagations, de rêveries, de râleries sans filtre ni retouche d'une maman parisienne infirmière expatriée en Bretagne et désormais en PACA. Tu verras c'est pas mal, enfin j'crois, tu m'diras.

Pensées d'un oiseau de nuit

Publié le 6 Mai 2012 par elodie-charlotte in Divagations

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Lorsqu'on arrive tout est encore chaud, en pleine effervescence.

Nous sommes beaucoup moins nombreux. Des petits rituels marquent le début de soirée.

Déjà, c'est toujours les mêmes équipiers qui arrivent les premiers. Le point de ralliement voit alors arriver les suivants jusqu'au dernier, la 6ème et dernière personne pour la semaine, la 4ème pour le week end.

Les fumeurs finissent leur cigarette et dès que l'un d'eux donne le top départ ils se dirigent tous ensemble tantôt vers l'ascenseur, tantôt vers l'escalier. Direction les vestiaires. On ne se pose même plus la question, les jambes font le chemin, les doigts le code de l'entrée.

On quitte les chaussures, le haut, le bas pour revêtir notre uniforme. Une fois tout en blanc, les cheveux longs attachés ou l'élastique à la bouche, les stylos bien rangés ou en vrac, la trousse ou bouteille sous le bras ou dans le sac on rejoint de nouveau les ascenseurs. On abandonne les collègues au premier et on monte au deuxième ou vice versa. 

Là c'est toujours la même chose. Les lumières vives, le bruit, l'exaltation de la journée. L'équipe de nuit est là sonnant la fin de la galère. On s'installe pour écouter et noter les transmissions des collègues de jour. 

Une fois cela fait des deux côtés, tout le monde s'en va, comme une envolée d'oiseaux. L'établissement se tait alors. La chaleur laisse place à la fraîcheur du coucher de soleil. Les lumières s'éteignent les portes se ferment. Tout redevient calme et même si le travail est là il parait plus serein.

C'est drôle car j'avais déjà ce sentiment quand j'étais de jour. Comparant parfois l'hôpital intercommunal à une fourmilière. La reine étant tout le corps directionnel et nous soignants les exécutantes...

Chacun a ses marques, tous nous nous affairons à nos occupations avant de débuter notre premier tour. Là nous faisons face aux craintes, aux angoisses, aux peurs, aux rires, à la douleur et à tout ce qui caractérise les patients la journée. On est en chirurgie et c'est ainsi, l'activité de jour est égale à celle de nuit. Les patients et leur surveillances ne changent pas après 21 heures. C'est le monde de l'aigu.

Viennent ensuite les commandes, les dossiers, les transmissions écrites. Le tour de minuit et celui de 2 heures interrompent souvent ces gestes et ces activités que l'on connaît si bien. La préparation des médicaments, celle des prémédications. Tout cela en parfaite collaboration avec les collègues. C'est ça que j'aime la nuit. Cette parfaite collaboration, ce travail d'équipe, cette solidarité. Il est même agréable d'aller au boulot. C'est un peu la maison. Et c'est ces personnes qui font tout. Cette équipe, le plaisir de se retrouver, aucun conflit car nous bossons tous ensemble et tournons dans les équipes. 

Travailler de nuit c'est aussi se retrouver coincé face à des problématiques qu'on aurait pas la journée. 

Je n'ai plus de ci ou de ça, comment je vais faire? J'appelle ou pas l'anesth de garde, à ton avis? 

Sans oublier l'effectif réduit la nuit pour le même nombre de patients. Il y a parfois de la frustration à voir arriver 3 équipes le matin alors que nous avons réussi à boucler tant bien que mal mais avec beaucoup de solidarité tout le boulot... Les nuits de M**** ne sont pas si rares, la seule différence c'est que l'équipe de jour n'en saura pas grand chose si ce n'est le très célèbre "dure nuit"... 

Souvent on nous caractérise en disant que nous ne faisons rien la nuit, que c'est une planque. J'ai été de jour et suis heureuse d'être de nuit. Au delà d'un choix c'est une tout autre façon de vivre qu'il ne faut pas négliger quand on fait ce choix. 

Quand tout est fermé la nuit, en France il nous faut jongler entre le sommeil et les occupations rythmant la vie de tout à chacun. Les courses, les enfants pour mes collègues déjà parents, le ménage. Je passe sur les interminables rendez vous, les papiers à gérer, etc...

Le comble revient peut être aux organisations de services et aux réflexions que nous pouvons être amenés à entendre qu'en à notre mobilisation pour les réunions et autres formations qui ont lieu à 14heures... A quand le plaisir pour les équipes de nuits de pouvoir annoncer une réunion ou formation à 2heures du matin... Oui oui en pleine récupération, en plein sommeil... Alors après 10 ou 12 heures de nuit, une série de trois jours qui commence, une entre "deux nuits", effectivement nous sortir du sommeil est compliqué... Enfin, tout comme les travailleurs du jours nous souffrons aussi d'insomnie ou de difficulté d'endormissement. Non on ne quitte pas notre lieu de travail, on ne fait pas la route pour rentrer, passer les clefs dans la serrure nous jeter dans un quelconque pyjama et nous laisser tomber dans notre lit.... A moins d'être très très fatigués...

Aussi, aux personnes qui pensent que les équipes de nuit dorment bien plus qu'elles je leur dis de tenter rien qu'une "grande semaine" ce rythme là. Mais sachez aussi que vous ne serez pas déçu, car les travailleurs de la nuit ont choisi ce rythme, sont contentes de se retrouver et forme une petite famille où la confiance est le maitre mot, ou tous vont dans le même sens même si tous n'ont pas les même convictions. Et puis quand on a envie de pleurer parce que la nuit est bien mal barrée, humour, rire, respect et solidarité définissent une bonne soirée au final. Enfin,face aux difficultés et situations contentieuses que chaque soignant peut rencontrer une fois au moins dans sa vie, cette équipe ne fait qu'une seule et même entité tel un mur parce que cette entité se connaît.

Ainsi sont les nuits des soignants. Et tout comme les équipes de jours, quand la grande aiguilles et sur le 12 et la petite sur le 6 nous sommes ravis de voir le jour se lever et les équipes de jour arrivées. Équipes de jour pour qui il y a ce profond respect. Parce qu'on ne prendrait leurs places pour rien au monde car elles sont confrontées à bien d'autres difficultés. Je pense aux médecins qui passent quand ils le veulent, aux familles, aux transports à gérer; etc.... Peut être que certains avouerait aussi qu'il ne voudrait pas de notre place non plus. Non pas par peur de s'ennuyait ou de ne rien f***** de la nuit mais parce qu'il y a pas mal de taf aussi, que c'est tout autre chose, que nous sommes seuls sans médecins, que nous ne sommes pas à l'abri d'une réanimation que nous devrons gérer avant l'arrivée de l'anesth qui bien que de garde, est chez lui.

Alors, après toutes ces pensées, On rallume les lumières, on fait place nette et nous sommes prêt nous aussi à revêtir nos vêtements laissés là, en bas 10 ou 12 heures plus tôt. 

Alors voilà, bienvenue dans la vie rythmées des oiseaux de nuit aux plumages blancs et bonne nuit ou bonne journée... 

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